Le 21 décembre, le soleil se lève à 9h23 et se couche à 15h13 sur
Helsinki. Sa course dans le ciel se limite à l’horizon. Le 21 juin, le soleil
se lève à 3h54 pour se coucher à 22h50. Le sommeil du soleil est de courte
durée. La ville s’endort donc pendant l’hiver pour s’éveiller brusquement
pendant l’été. Une frénésie s’empare du pays. En ce moment même, la période de
dormance tire à sa fin pour laisser place à la reviviscence. Avril et mai font un
don de 5 minutes d’ensoleillement par jour. Plusieurs témoignages en font
preuve. C’est à ce moment même de l’année qu’il fait bon d’être en Finlande.
Samedi 26 avril. Après avoir presque terminé la correction des
travaux de mes étudiants de la session d’hiver, je pars me balader dans la
ville. Si je connais bien de plus en plus les environs du Paciuksenkaari 13b,
là où j’habite, vers l’est et vers le sud, le nord-ouest reste encore un
mystère pour moi. Habitué de me déplacer à vitesse de vélo pendant les jours de
la semaine, je m’offre la découverte contemplative de la marche. J’emprunte
donc le sentier qui donne vers l’ouest derrière mon appartement.
Après les quelques premiers 100 mètres, je découvre un plan d’eau auprès
duquel les gens marchent, courent, restent assis, prennent le temps de savourer
le moment avec un enfant. Je décide alors de suivre ce cours d’eau vers le
nord. Les poissons doivent s’y balader allègrement à en voir l’atmosphère qui
règne. Des citoyens préparent leur jardin collectif. Une petite marina attend
ses premiers pensionnaires de l’été. Des gens boivent un café. Un couple, comme
on en voit plusieurs dans la ville, fait de la marche rapide avec ses bâtons de
randonnée pédestre. Bref, la ville savoure les moments passés à l’extérieur au
soleil, malgré un fond d’air frais, dans des espaces de nature.
Quiconque venant à Helsinki ne peut pas faire autrement que de
constater que c’est le paradis des oiseaux, à cette période de l’année du
moins. Au même moment où les crocus fleurissent et que les tulipes sortent
langoureusement du sol, une journée ensoleillée ne peut se terminer sans que le
son des oiseaux qui habitent la nature de la ville nous reste en gazouillis
dans la tête. On peut y entendre les pies, les corneilles mantelées, les grands
(très grands!) corbeaux, les choucas des tours ou les merles noirs. On y
reconnait les mésanges noires, les pigeons, les moineaux domestiques, les
goélands, argentés, bruns et cendrés. On
s’étonne surtout, en pleine ville, sur des plans d’eau ou à proximité, de
reconnaitre le canard colvert, la bernache du Canada – oui oui, elle a été
introduite! – et le cygne tuberculé, ce majestueux cygne blanc. Bref, une
marche en pleine ville peut rapidement se transformer en contemplation de la
nature.
Dimanche 27 avril. Pendant la période ensoleillée de l’année, la
Finlande se réveille et se plonge dans une suite ininterrompue de festivals. Le
jeudi précédant ce dimanche, je roule à vélo pour me rendre à l’université,
comme à l’habitude. Arrêté à un feu rouge, j’attends patiemment mon tour. La
publicité sur l’autobus fait son effet. Je remarque Angélique Kidjo. En
arrivant à mon bureau, je m’empresse de faire mes petites recherches. C’est le
festival April Jazz dans la ville voisine, Espoo. Angélique Kidjo s’y donne en
spectacle le dimanche 27 avril. Certains d’entre vous connaissent l’énergie qui
se dégage à l’écoute de ses chansons. J’ai eu la chance de voir son dernier
spectacle à trois reprises. Mais là, à la suite de la sortie de son nouvel
album, Eve, j’ai l’occasion en or de
pouvoir assister à son tout nouveau spectacle à Espoo, à 30 minutes de vélo… Sur
l’heure du midi, les billets sont achetés!
Le sourire aux lèvres, je pédale jusqu’à Espoo, m’assurant d’arriver
à l’avance pour avoir une excellente place. Si vous ne le connaissez pas
encore, je peux avoir mon côté groupie à mes heures… Parmi les dix premiers à
entrer, je découvre d’autres amoureux des rythmes de Kidjo qui ont l’air tout
aussi heureuses et heureux que moi d’être sur place. Nous arrivons si tôt que
nous entendons à l’extérieur du chapiteau géant la fin de la répétition. Une Finlandaise,
seule avec son pantalon turquoise, semble appréhender autant que moi le
spectacle.
Nous entrons enfin! Je réussis à me dénicher une place en avant.
J’aurai dansé fatigué comme disent les Béninois. Je connais suffisamment
Angélique Kidjo pour savoir qu’elle fait toujours monter sur scènes une
vingtaine de spectateurs pour danser à la fin du spectacle, et surtout, pour
que chacun s’exécute un après l’autre en solo devant son percussionniste
sénégalais qui tape comme un dieu, sur ses percussions! Je veux y être pour
l’énergie emmagasinée pour les jours à venir. À la fin du spectacle, je vous
jure que ma chemise ne connaissait plus le qualificatif sec! Et, je me suis fait des amies finlandaises qui ont également
dansé fatiguées. La première, m’a invité à participer ce vendredi à un souper
collectif sur la méditation avec un grand chef spirituel indien. La seconde, la
dame au pantalon turquoise, avait visiblement besoin de reparler du spectacle
avec moi. Si je ne connaissais jusqu’à maintenant que la timidité des
Finlandais, le April Jazz et Angélique Kidjo m’ont officiellement annoncé la
saison des festivités dans le pays.
Jeudi 1er mai. Hyvää Vappua! Au Québec, la Fête
internationale des travailleurs ne soulève pas beaucoup de vagues. Elle s’est
fait damer le pion par le Fête du Travail en septembre. En Finlande, le 1er
mai est tout un évènement! Cette fête marque la fête des travailleurs, le
passage vers la belle saison et la graduation de milliers d’étudiants. Une
ambiance de Nouvel An règne dans les rues!
Avec tant de raisons pour fêter, les festivités commencent la veille
à Helsinki. Un rassemblement monstre prend place autour d’une célèbre statue de
femme nue, Havis Amanda. Dans le premier quart du XXe siècle, un
étudiant serait monté sur la statue pour la couronner de son chapeau de
graduation. Ce geste a déclenché une tradition qui perdure encore, un siècle
plus tard. Les étudiants se préparent plusieurs semaines à l’avance en
confectionnant une salopette remplie d’écussons qu’ils porteront le 30 avril et
le 1er mai. Comme cela, ils peuvent boire à leur guise sans se
soucier de se salir. Mais, détrompez-vous si vous croyez que ce n’est qu’une
fête de jeunes… Si seulement les diplômés portent la salopette, les adultes se
remémorent la belle époque estudiantine en portant leur casquette, parfois
jaunie.
À 18h, lorsque vient le temps de couronner Havis Amanda et d’ouvrir
officiellement les festivités du 1er mai, tout le monde se promène
dans les rues en buvant du champagne ou du mousseux. Sauf les touristes qui
n’ont pas prévu le coup… Un air de carnaval s’empare des rues. Toutes les
tranches de la population sortent. Les enfants font péter des pétards et
mangent de la réglisse. Les adultes boivent. D’autres chantent. En fait,
l’alcool permet tout simplement aux Finnois de perdre leur timidité.
Autant de consommateurs représentent une occasion inouïe de faire
des affaires pour d’autres. Depuis mon arrivée, je ne vois pas d’itinérants
dans les rues de la ville. En fait, presque pas. À ma grande surprise, une
population au teint foncé, visiblement pas d’origine finlandaise, semble vivre
dans la rue. Ces gens contrastent avec le physique des Finlandais. On m’a
finalement appris qu’il s’agit de Roms de Roumanie. Cette population nomade
quitte la Roumanie au printemps pour aller un peu partout en Europe pour vivre
les jours plus chauds à l’extérieur du pays. Hier et aujourd’hui, ils étaient
un peu partout dans les grands rassemblements. Avec une consigne de 0,15€ pour
les petites canettes, celle sur les bouteilles de champagne en verre, aussi
consignées, doit mériter le détour.
Le lendemain du couronnement de Havis Amanda, le 1er mai, c’est le
jour du grand piquenique dans le parc Kaivopuisto. Familles et amis se
rassemblent par milliers avec plats préparés, BBQ, tente-moustiquaire, nappe,
divan, jeux et surtout, une boisson alcoolisée mousseuse! Je m’y rends avec
Anna, une collègue grecque de l’université. Nous déambulons dans le parc en
salivant devant tous ces festins. Elle m’assure que comme touristes, les Grecs
nous auraient rapidement invités à boire et à manger. À observer toutes ces
scènes, je me sens comme un reporter sur les heures de travail. J’ai envie de
boire! Anna et moi trouvons finalement un petit restaurant où savourer nos
bulles. Exquises, elles m’attendaient depuis hier!
Havis Amanda en lendemain de veille.
C'est parfois difficile de boire...
Définitivement, mon coup de coeur!
Vraiment chouette, ces festivités! Sais-tu pourquoi les bulles sont davantage bues que d'autres boissons? En Belgique, il n'y avait pas vraiment de question à se poser :-)
RépondreSupprimerEn fait, la bière est TRÈS taxée ici. Le vin coute moins cher. Peut-être qu'entre les bulles et la bière, pour la différence de prix, on y va avec le glamour! Mais, ce ne sont que des spéculations... ; )
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