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samedi 26 avril 2014

Justice sociale en éducation : le modèle qui enrichit un pays


Dans le dernier épisode. Jean-Philippe visite une école, arrive en retard et laisse son vélo déverrouillé. Que lui arrivera-t-il?

Mercredi 23 avril. Même si j’ai oublié mon cadenas dans le rangement au rez-de-chaussée de mon immeuble, je prends la décision de laisser mon vélo sur le support déverrouillé. Après tout, ma réputation auprès des enseignants qui m’accueillent et de la professeure qui supervise mon stage importe davantage.


L’école est grande. Je suis en retard de 6 minutes et je ne sais pas au pied de quel escalier je dois rencontrer Sirkka. Je ne sais pas où donner de la tête… Je fais donc un tour rapide de l’école pour trouver des escaliers qui m’inspirent un point de rendez-vous. Rien. Des enfants s’amusent toutefois dans la cour et deux adultes les surveillent. Peut-être pourront-ils m’aider? Je leur demande s’ils connaissent mon hôte. Pas à première vue… Peut-être aussi est-ce l’anglais… Merde! À ce moment, une dame sort de l’école et je la reconnais. C’est elle que la professeure Uitto m’a montrée sur photo.
- Bonjour! Jean-Philippe?
- Oui! Oui!
- Comme je ne vous voyais pas de l’autre côté de l’école, je me suis dit que vous m’attendiez peut-être de ce côté.
- Exactement!
- Je suis désolée, me dit-elle.
- Non, c’est moi qui suis désolé…
- Ça va, rien n’est arrivé!
Évidemment, tout cela se passe en anglais. J’ai de la chance! Mon hôte croit alors qu’elle n’a pas été assez précise dans ses indications. Elle se confond en excuses. Sauvé! Dire qu’à 11.00, j’ai failli rebrousser chemin définitivement!

Vue sur la bibliothèque.

Ce stress derrière moi, je rentre dans l’école. Le premier des deux cours auxquels j’assiste porte sur la division cellulaire, plus particulièrement sur la méiose et la mitose. Sept étudiants en enseignement de la biologie sont assis avec moi et l’enseignante de ce groupe au fond de la classe pour observer le cours donné par une stagiaire. Évidemment, je n’ai rien compris, sauf quelques mots reconnus et des schémas sur la cellule qui me sont familiers. Assister à un cours sans comprendre peut paraitre peu efficace à première vue. Cependant, c’est génial, car on oublie alors le contenu et on se replie sur le climat et les interactions entre l’enseignant et les élèves. Un monde qui n’est pas accessible à toutes celles et tous ceux qui comprennent la langue s’ouvre alors à nous.


Une fois le cours terminé, je vais manger à la cafétéria avec Sirkka, mon hôte officielle. Elle m’offre le repas, car les adultes doivent payer. Pour les élèves, le repas est gratuit. Les Finlandais ont décidé de donner une chance égale à toutes et à tous de manger un repas décent le midi. Cette mesure qui s’applique à l’ensemble du pays me fascine. Elle est pour moi un des premiers témoins phares de la justice sociale qui prévaut dans ce pays. Depuis mon arrivée, les signes d’une société qui a réellement choisi la sociale démocratie se multiplient. Je pourrais vous citer des exemples dans de nombreux domaines. Mais, aujourd’hui, deux exemples de choix de société dans le domaine de l’éducation attirent mon attention.


Avant toute chose, il importe de mentionner que la Finlande jouit d’une réputation de première classe en matière d’éducation. Depuis plus de dix ans, elle arrive au 1er rang de tous les pays occidentaux dans les grandes enquêtes internationales sur l’éducation (PISA). Un exploit! Des délégations de partout dans le monde viennent visiter ce pays. On les appelle les pèlerins de l’éducation. Deux pays asiatiques les surclassent. Cependant, ces pays sont reconnus pour étouffer les enfants dans des séances d’étude qui peuvent aller jusqu’à 23h. En contrepartie, la Finlande a choisi de mettre l’accent sur le plaisir d’aller à l’école et de ne pas mettre sa jeunesse sous pression. Les résultats sont tels qu’il y a quelques années, une panique générale s’est installée dans la population. Le taux de graduation au secondaire est passé de 97% à 95%. Faites vos recherches pour le Québec et vous tomberez à la renverse!

Je vous parlais donc de deux exemples qui retiennent mon attention dans ce modèle éducatif pour tous. D’abord, la Finlande possède strictement des écoles publiques. Il y aurait des écoles privées, mais elles seraient destinées à des vocations très particulières, comme des parents qui veulent que l’école de leur enfant ne contienne pas d’objets de plastique, que du bois. Ces écoles ne sont pas financées par l’État. Imaginez, un pays sans école privée, ou presque.

Loin de moi l’idée de juger les parents qui envoient leur enfant à l’école privée au Québec. J’en ai moi-même fréquenté une et j’ai adoré ces cinq années. Le problème, à mon avis, réside dans le fait que le financement et l’augmentation des écoles privées engendrent la diminution de la qualité de l’éducation dans les écoles publiques. Pour avoir enseigné dans des écoles publiques au Québec, je vous assure que d’être dans un groupe qualifié de régulier aujourd’hui a tout ce qu’il y a de moins régulier… D’entrée de jeu, les conditions d’apprentissage s’avèrent défavorables à ces élèves. On peut alors mieux comprendre pourquoi des parents choisissent l’école privée. Je ne les blâme pas. La faute revient toutefois au système, donc à l’État, qui encourage ces disparités entre les familles fortunées et moins fortunées. Je vous le garantis, en finançant les écoles privées, aucune mesure gouvernementale ne saura réduire de manière draconienne le décrochage scolaire, hantise de tous les ministres de l’Éducation. Les conditions de réussite se détériorent beaucoup trop dans le réseau public. Rappelez-vous le taux de décrochage scolaire en Finlande!

Le deuxième point que je souhaite soulever à l’égard du système éducatif finlandais est l’accès à l’enseignement supérieur pour tous. Ravivons 2012. En Finlande, l’éducation est totalement gratuite, de la maternelle à l’université. Au primaire et au secondaire, toutes les fournitures scolaires sont payées par l’État. Et, tenez-vous bien, les étudiants à l’université, en plus de ne pas payer de frais de scolarité, peuvent percevoir une allocation mensuelle de 400€ de l’État. Pour vous rassurer, oui, l’État peut mettre un terme à ces allocations en cas d’échec.

Ces découvertes m’ont replongé illico dans le Printemps étudiant de 2012. Celles et ceux qui me connaissent savent bien que j’étais dans la rue. Il y a deux ans, j’étais dans la rue parce que j’avais la conviction profonde que le Québec pouvait se permettre l’éducation gratuite, du primaire à l’université, parce qu’ultimement, ça représente une richesse. Tout dépend de nos priorités comme société. Le système financier ou la majorité de la population? Le cas de la Finlande ancre encore plus profondément cette conviction qu’il est possible de s’offrir la gratuité scolaire. Pourquoi? Tout simplement parce qu’ici, ce n’est pas un rêve de pelleteur de nuages comme au Québec, mais une réalité.

L’argument économique, vous l’attendez, il est là! La Finlande est reconnue pour la vigueur et la compétitivité de son système économique. Quel est le produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant en parité de pouvoir d’achat (PPA)? La Finlande a un PIB (PPA) de 44 488$, alors que le Québec a un PIB (PPA) de 35 111$. Autrement dit, la Finlande a un PIB qui est plus élevé de 26,7% que celui du Québec, malgré la mise en place de multiples mesures de justice sociale dans la société. Traduction : plus de richesse par habitant en Finlande. Pour moi, la preuve est dorénavant faite qu’en diminuant les inégalités sociales, qu’en finançant davantage de programmes publics, un pays peut se porter mieux. Chez nous, plusieurs politiciens nous font peur en nous laissant croire le contraire. Pourtant, les revenus de l’État peuvent être augmentés au moyen des entreprises financières, des multinationales, des redevances sur les mines et sur l’eau, des abris fiscaux, etc. Autant de nouveaux revenus qui ne touchent pas la classe moyenne, mais nous pourrions bénéficier.

Il serait dommage de vous laisser tenter par la banalisation de cet exemple. Car, en effet, la Finlande ressemble largement au Québec, tant en terme de population que de climat ou de ressources naturelles. On peut donc difficilement se dire, « Oui, mais au Québec ce n’est pas pareil… » Non, ce n’est pas pareil, mais les similitudes sont beaucoup plus nombreuses que les différences.

Je ne saurais terminer ce billet sur l’éducation en saluant au passage la première annonce d’Yves Bolduc, notre nouveau ministre de l’Éducation, celui qui a le devoir d’être porteur d’espoir pour la jeunesse québécoise, qui comme première annonce officielle nous a parlé de compression de postes.

Puisque cet article soulève d’importants enjeux de société, je vous invite à le commenter. Si vous ne savez pas comment, j'ai ajouté une section explicative dans le haut du blogue. N’hésitez surtout pas à manifester vos désaccords et vos nuances, car après tout, la vraie politique se trouve dans les échanges entre nous, les citoyens.

Ah oui! Mon vélo m’a attendu sagement jusqu’à ma sortie de l’école, je l’adore!

Jean-Philippe xxx

Postscriptum. Pour une fabuleuse entrevue inspirante sur la sociale démocratie en Scandinavie, je vous invite fortement à écouter cet entretien : http://ici.radio-canada.ca/emissions/medium_large/2013-2014/chronique.asp?idChronique=335307

Postscriptum II. Pour être averti de la parution des nouveaux articles, inscrivez votre courriel dans la rubrique de la marge de droite. N'hésitez pas à partager le blogue!

8 commentaires:

  1. Samuel Pignedoli26 avril 2014 à 06:53

    Pourquoi c'est si dur de penser que des choses comme ça sont possibles chez nous? Selon moi, surtout à cause du paradigme dans lequel notre rhétorique évolue. C'est drôle, je suis entrain de lire 1984 de George Orwell. Pour ceux qui ont déjà flirté avec cette oeuvre, il existe dans le monde du livre une nouvelle langue quasi-universelle le «Newspeak» qui est en fait une réduction de vocabulaire et une sélection sémantique de l'anglais. Ce rognage de la langue se fait en symbiose avec les idéologies du parti totalitaire au pouvoir. C'est ce qui à petite échelle se passe dans les discours socio-économique au Québec. Nous assimilons une seule façon de nommer et se définir le concept «économie» et notre pensée est dictée par système éthique relativement standardisé.

    En complément, je nous suggère bien entendu de lire «1984» mais aussi de regarder ce magnifique clip vidéo fait par nos voisins américains et qui déconstruit à sa manière le fatal argument : «Oui, mais on peut pas se permettre ça en tant que société!» C'est dans le contexte états-unien, mais c'est transférable à chez nous.
    http://youtu.be/G49q6uPcwY8 (vous pouvez activer des sous-titres si vous le souhaitez : repérez le bouton «CC»)

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  2. Encore une fois JP, article très enrichissant ! Bien évident que lorsqu'on s'intéresse, s'implique le moindrement, de près ou de loin, dans notre environnement culturel, social, politique ou autre, on sent que nos gestes peuvent avoir de l'impact. En terminant, merci d'avoir mis fin à mon stress pour le vélo ! LOL xxx

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  3. Je te laisse seulement avec deux belles citations d'Yves Bolduc qui me laissent sceptique par rapport à sa compétence à gérer le système d'éducation de façon juste et équitable.

    - «Il faut vraiment faire le virage étudiant, c'est-à-dire consacrer le maximum des ressources au service à la clientèle. Les clientèles plus vulnérables, ceux qui sont en troubles d'apprentissage, en difficulté scolaire, vont être mes clientèles prioritaires»

    - "Notre priorité, ce sera les étudiants. Ce qu'on peut faire pour améliorer la réussite scolaire et la persévérance, et éliminer la violence et l'intimidation." = Si tu veux être ministre de l'éducation, commence par apprendre le vocabulaire mon grand. Des étudiants et des élèves, c'est pas la même affaire. Tant qu'à ça, c'est plus safe pour toi si tu continue à parler de "clientèle"...

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  4. Allo J. P.

    Yé pas juste beau ton vélo ..Yé gentil ! Je sais que même s'il est rouge il n'est pas libéral ou fédéraliste, il est Carré!

    C'est certain qu'au Québec on en a des prophètes de malheur pour brandir des épouvantails qui nous empêchent d'évoluer, de croire que c'est possible un monde meilleur, de réfléchir, de se mobiliser...bouhOUOUOU !!!

    On a peur, on dors au gaz et on est bien soumis... Je suis un peu découragée ces temps-ci !

    MANON FAIT QQCHOSE !

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  5. P.S.: Te lire me rappelle si intensément ces émotions du voyageur face au «Nouveau grand jamais vu». Également ce chemin de croix qui me ramène en sixième année avec notre professeur M Houle qui nous avait proposé un «remake» du chemin de croix filmé (novateur à l'époque) ou peut-être que c'était seulement des photos (photo-roman) lors de notre sortie à la cabane à sucre... ... ... Oreille de crisss !!!

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  6. Piste de réflexion:
    Arrêter de subventionner les écoles privées...Ça devrait commencer par là ?
    Est-ce que le peuple aimerait cette idée ?

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    1. Je crois que plus nous encourageons le système public privé, plus cela dégrade les conditions d'apprentissage au public. Les enseignants peuvent être fantastiques, mais ils ne sont pas des magiciens...

      Je crois qu'il devrait y avoir une diminution progressive (10-15 ans) du financement des écoles privées. Par la suite, celles et ceux qui ont les moyens de payer le privé peuvent continuer à le faire. En ramenant les enfants de toutes les classes sociales dans les mêmes classes, ça favorise la tolérance, la mixité sociale, donc l'inclusion et l'acceptation, et ça crée des classes plus homogènes entre elles. Quand tous les enfants problèmes se retrouvent dans la même classe au secondaire, on peut tout mettre en place, mais on gaspille beaucoup d'argent inutilement!

      C'est un énorme débat, mais le statut quo ne tient plus la route à mon avis si on veut que s'améliore l'école gratuite, l'école publique.

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  7. Claude-Émilie M1 mai 2014 à 16:10

    Merci, Jean-Philippe pour ce voyage virtuel ! Si j'étais encore éditrice, je te proposerais une publication ! J'espère que tu songeras à faire un manuscrit de tes écrits...
    En effet, le système éducatif finlandais nous est toujours décrit comme un eldorado inaccessible pour nous, pauvres Québécois. Il faut une volonté citoyenne pour qu'une volonté politique se dessine. Quant aux annonces d'Yves Bolduc, je trouve inquiétante sa décision de remettre sur la sellette l'anglais intensif en 6e année. Je sais que le sujet "divise" (mot à la mode), mais pédagogiquement parlant, l'expérience est plutôt dommageable.
    Bon, je continue la lecture de tes articles.

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Vous lire est un réel plaisir!